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La jeunesse des morts (Anna de Noailles)

Anna de Noailles

 

La jeunesse des morts

 

Le printemps appartient à ceux qui lui ressemblent,

Aux corps adolescents animés par l'orgueil,

A ceux dont le plaisir, le rire, le bel oeil

Ignorent qu'on vieillit, qu'on regrette et qu'on tremble.

- O guerrière Nature, où sont ces jeunes gens?

Quel est ton désespoiur lorsque saigne et chancelle

La jeunesse, qui seule est fière et naturelle

Et brille dans l'azur comme un lingot d'argent?

Ces enfants, bondissant, partaient, contents de plaire

Au devoir, à l'honneur, à l'immense atmosphère,

Aux grands signaux humains brûlant sur les sommets.

Ils dorment, à présent, saccagés dans la terre

Qui fera jaillir d'eux ses rêveurs mois de mai...

- Songeons, le front baissé, au glacial mystère

Que la Patrie en pleurs, mais stoïque, permet.

 

Ils avaient vingt ans, l'âge où l'on ne meurt jamais...

 

La Guerre

 

(dans "Les Forces Eternelles, 1920)



26/12/2012
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