poetessesdelagrandeguerre

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L'avenir

L'avenir

 

- O beauté de la terre, ô fête des colombes,

Assentiment volant du sol aux cieux ouverts,

Quand la France criera, pour que les armes tombent:

"Mon coeur a déclaré la paix à l'univers!"

 

O Paix, ô saint azur, ô branche de l'olive,

O doux banquet du monde où s'assoit Michelet,

Voici que le printemps des nations arrive

Comme si l'ample amour de Hugo l'appelait!

 

- Victoire généreuse aux ailes innocentes,

Réjouis de tes cris les justes Nations,

Et que l'on voie vondir, sur ta gorge qui chante,

Les muscles enivrés de l'exaltation!

 

De l'exaltation pour le rêve et la vie,

Pour la joie et les jeux dans les libres cités,

Pour la multiple ardeur de lents loisirs suivie,

Pour le visage ovale et moite de l'Eté!

 

Qu'une foule éblouie à ton appel réponde,

Qu'on pleure d'allégresse, et que notre âme soit

De l'éternel azur et du milieu du monde,

Et sente étinceler tout l'univers en soi!

 

- O Terre, que les dieux nous ont faite si belle!

Qui portez mollement, dans le matin rosé,

Les Monts Euganéens dont l'orgueil bleu ruisselle,
La Grèce, où le talon de Vénus s'est posé,

 

Qui portez les bosquets des Eaux-douces d'Asie,

Les Iles, que leur chaud feuillage fait plier,

Le coprs dansant et doux de l'ivre Andalousie

Qui rit et luit, debout dans ses divins souliers,

 

Qui portez les jardins penchants de la Touraine,

L'Ile-de-France heureuse, et Paris vigilant

Qui soupire et rugit pour toute peine humaine

Comme un lion de qui l'on tourmente les flancs,

 

O Terre, que partout l'amour enfin se pose!

Que tous les continents aient un même souhait,

Comme trente parfums font une seule rose,

Comme chaque rameau fait la verdeur de Mai.

 

Que chacun ait un fruit de la terre promise,

Et que dans l'air neigeux les dômes de Moscou

Aient la fierté dorée et libre de Venise,

Qui de joug n'a gardé que des perles au cou!

 

Que les soldats sacrés, qu'Achille, qu'Alexandre,

Voyant comme il fait sombre et triste chez les morts,

Disent: "Louez la vie et pleurez sur la cendre!

Hélas! ne plus vous voir, Soleil! Oeil du jour d'or!"

 

- Emouvante bonté, touchant désir de plaire

Qu'auront, d'un bord du monde à l'autre, tous les coeurs,

Quand amoureux d'un rêve immense et populaire

Les héros ne seront que de douleurs vainqueurs!

 

Puissance de la voix lyrique, tu pénètres

L'ombre où l'homme respire un air étroit et noir,

Et tu feras jaillir, dans toutes les fenêtres,

La lumière, que Goethe, en mourant, voulait voir!

 

Et, puisque dans l'élan des juvéniles forces

L'homme reste un guerrier, un chasseur irrité,

Que son ardente sève, en déchirant l'écorce,

Brûle dans la musique et dans la volupté!

 

Les temps seront alors justes comme une fable,

Déjà des chants joyeux montent dans l'air serein,

Et voici que verdit la forêt innombrable

Dont chaque feuille mord un peu d'azur divin!

 

- Ah! que, les yeux fermés, tout être se souvienne

De sa naïve enfance et des matins légers,

Du cercle de rosiers où des abeilles viennent,

Des groseilliers luisant au centre du verger.

 

Que sentant comme il est auguste et doux de vivre,

Comme le temps est court pour servir la beauté,

Comme chaque journée à nouveau nous enivre,

Il dise: "Je le crois, voici la Vérité:

 

La Vérité, c'est vous, paix des plaines fécondes,

C'est vous, calme Justice au front lucide et pur,

C'est vous divin Soleil, Penseur ailé du monde,

Qui, rompant vos liens, bondissez dans l'azur!...

 

La Guerre

 

(dans "Les Forces Eternelles", 1920)

 

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09/01/2013
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