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Les jeunes ombres

Les jeunes ombres

 

Soir de juillet limpide, où nage

La nerveuse et brusque hirondelle,

Tranquillité du paysage

Où le large soleil ruisselle,

Ciel d'azur et de mirabelles,

Qu'avez-vous fait de leurs visages?

 

Du visage des jeunes morts

Dissous dans vos fluidités?

De ces beaux morts qui sont montés

Par les fermes et fins ressorts

Du vif printemps et des étés,

Dans les feuillages frais et forts

De la terrestre éternité?

 

Agile et scintillante sève

Dont la Nature est composée,

Qu'avez-vous fait de tous ces rêves

Qui se bercent et se soulèvent

Et se déposent en rosée

Dans l'ombre froide et reposée?

 

Ces morts sont la pulpe du jour,

Ils sont les vignes et les blés,

Leurs saints ossements assemblés

Ont, par un végétal détour,

Comblé l'espace immaculé.

- Mais le terrible et doux amour

Que proclame tout l'univers,

Le désir jubilant et sourd,

Les sanglots dans les bras ouverts,

Le plaisir de pleurs et de feu,

Ces grands instants victorieux

Qu'aucune autre gloire n'atteint,

Où l'homme s'égale au Destin,

Et de son être fait jaillir

Le puissant et vague avenir,

Qui les rendra aux morts sans nombre?

- Qui vous les rendra, tristes ombres,

Vous dont la multiple unité

Languit au ciel des nuits d'été!

 

La Guerre

 

(dans "Les Forces Eternelles", 1920



09/01/2013
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