poetessesdelagrandeguerre

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Les bords de la Marne

Les bords de la Marne

 

La Marne, lente et molle, en glissant accompagne

Un paysage ouvert, éventé, spacieux.

On voit dans l'herbe éclore, ainsi qu'un astre aux cieux,

Les villages légers et dormants de Champagne.

 

La Nature a repris son rêve négligent.

Attaché à la herse un blanc cheval travaille.

Les vignobles jaspés ont des teintes d'écaille

A travers quoi l'on voit rôder de vieilles gens.

 

Un automnal buisson porte encor quelques roses.

Une chèvre s'enlace au roncier qu'elle mord.

Les raisins sont cueillis, le coteau se repose,

Rien ne témoigne plus d'un surhumain effort

Qu'un tertre soulevé par la forme d'un corps.

 

- Dans ce sol, sans éclat et sans écho, s'incarnent

Les héros qui, rompus de fatigue et de faim,

Connaissant que jamais ils ne sauront la fin

De l'épique bataille à laquelle ils s'acharnent,

Ont livré hardiment les combats de la Marne.

 

 

La terre les recouvre. On ne sait pas leur nom.

Ils ont l'herbe et le vent avec lesquels ils causent.

Nous songeons.

                       Par delà les vallons et les monts

On entend le bruit sourd et pâmé du canon

S'écrouler dans l'éther entre deux longues pauses.

Et puis le soir descend. le fleuve au grand renom,

A jamais ignorant de son apothéose,

S'emplit de la langueur du crépuscule, et dort.

 

 

Je regarde, les yeux hébétés par le sort,

La gloire indélébile et calme qu'ont les choses

Alors que les hommes sont morts...

 

Octobre 1916

 

La Guerre

(dans "Les Forces Eternelles", 1920)



24/12/2012
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