poetessesdelagrandeguerre

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Prière du combattant

Prière du combattant

 

Pulpe du jour, azur pénétré de lumière,

Vol calme des oiseaux. Bien-être respirant,

Confiante douceur des choses coutumières,

Me voici, simple, fier et franc.

 

J'offre à votre splendeur éternelle et candide

Ce corps, souvent blessé, qui n'eut d'autre souci

Que de combattre avec une audace lucide,

Mourir c'est vous aimer aussi.

 

Lorsque je défendais le rivage et la terre

Où vous m'avez fait croître ainsi que l'olivier,

Nature, dont je suis la plante humble et prospère,

Je mourais pour que vous viviez.

 

Je ne vous dirai point de trompeuses paroles,

La guerre est pour tout être un fléau révoltant,

La Pitié, cheminant quand les Victoires volent,

Pleure sur tous les combattants.

 

Parfois, lorsque, parmi de longues agonies,

La lune au clair visage aplanissait les cieux,

Mon coeur se reliait à la nue infinie:

L'hoimme a sa grandeur par les yeux.

 

Je contemplais l'espace où tout fermente et veille,

Où l'esprit se mélange à l'éternel destin,

Et j'entendais ce bruit de pensantes abeilles

Que font les astres clandestins!

 

Vainqueur, mon front geurrier fut conronné de lierre,

J'ai passé fier mais doux au milieu des vaincus,

Mon orgueil réjoui absorbait la lumière,

Et cependant je n'ai vécu

 

Que depuis le moment où, soumis, ô Nature,

A ton unique voeu solennel et secret,

Je presse contre moi l'humaine créature

Qui m'est soleil, onde et forêt!

 

Mon être qui flamboie au souffle de sa bouche

Voit la vie et la mort en lumineux confins,

C'est par la volupté brûlante que l'on touche,

O monde, à ton âme sans fin!

 

L'univers provocant que jamais n'apprivoise

Le suppliant désir tendu vers sa beauté,

Je l'attire et l'obtiens lorsque mes bras se croisent

Sur un corps semblable à l'été!

 

Je travaille, je sais que l'homme est éphémère,

Que son ouvrage est vain, que son renom est court,

Que, pareil à l'Automne, il se mêle à la terre,

Mais la gloire est sacrée en servant à l'amour.

- Amour, divinité immense et solitaire! -

Et quelquefois, la nuit, mon esprit curieux

Entend, tel un torrent situé sous les cieux

Qui roule mollement comme un dolent tonnerre,

Le soupir des amants et des ambitieux!

 

La Guerre

 

(dans "Les Forces Eternelles", 1920)



30/12/2012
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