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01 Dans les remous de la bataille (début)

Début  du Journal

 

 

Retrouver la suite de ce Journal sur le site que je lui ai consacré 

(Lien)

 

 

   A Roche, dès le 28 juillet 1914, nous avions l'intime certitude que la guerre allait éclater.

   Le surlendemain, l'auteur de la brochure si clairvoyante intitulée: L'invasion allemande par la Belgique méridionale, le commandant Chenet, étant venu avec sa femme nous faire visite, se montra stupéfait qu'on m'ait, l'avant-veille, à Vouziers, déclaré suspendu le paiement de la Rente. Jusqu'à ce que je lui eusse fait part de cette mésaventure financière, le commandant avait paru assuré de la non probabilité d'une guerre avec l'Allemagne, et il avait apporté une plaisante malice à réfuter chacun des arguments opposés à Pierre, mon mari, à son optimisme. Quand j'eus terminé mon petit récit, il se redressa, tout changé, très grave, et dit:

   - S'il en est ainsi, il est temps de me préparer à rejoindre mon poste à verdun.

   Nous sortîmes pour accompagner, un bout de chemin, nos visiteurs. Nous longeâmes avec eux la route de Rilly-aux-Oies jusqu'au calvaire de Wallart. devant nous, sur notre gauche, le soleil se couchait. Le ciel était tout rouge.

 

Samedi 1er août

Le mari de notre nièce Nelly, Emile Lecourt, rentre d'Attigny à trois heures et demie, couvert de sueur et extrêmement ému. "Ca y est, il faut partir!" s'exclame-t-il en s'effondrant sur notre seuil. Les gens du village qui l'ont vu arriver s'approchent, le questionnent. Aucun ne veut croire. Le jeune homme proteste de sa véracité, se fâche, jure que le secrétaire de la mairie d'Attigny lui a donné connaissance de la dépêche officielle.

   Alors le tocsin sonne aux clochers des villages environnants, la générale retentit. "C'est un incendie", disent les uns. On est consterné, bien qu'on ne veuille pas encore se rendre à l'évidence. Mais les maires, ayant reçu l'ordre d'afficher la mobilisation, ont envoyé des cyclistes dans les champs pour rallier les moissonneurs, qui rentrent. Il n'y a plus moyen maintenant de se faire illusion.

   Vers quatre heures et demie, notre maire arrive en voiture de Chuffilly et appose lui-même sur la maison d'en face la fatale affiche. On l'interroge anxieusement. Il ne sait rien, sinon qu'il lui a été enjoint d'afficher à quatre heures et que, Roche étant la plus reculée des quatre sections de la commune, il se trouve en retard d'une demi-heure. L'affiche est bien facile à comprendre, ajoute-t-il; chaque mobilisable n'a qu'à consulter son livret. Des protestations s'élèvent: "Et la moisson qui est à peine commencée!" On ne se résigne pas à admettre la terrible vérité; ceux qui doivent partir éprouvent le besoin d'aller se renseigner plus amplement à la gendarmerie d'Attigny.

   Emile doit rejoindre, dès dix heures du matin, au deuxième jour de la mobilisation. Il est désolé. Les plus sombres pressentiments le poignent. En plus du chagrin de quitter sa femme, son enfant et son père, en plus du regret d'abandonner son exploitation agricole très prospère, il augure pour lui-même lugubrement (1)

   Les incrédules de tout à l'heure reviennent de la gendarmerie. C'est très sérieux: il faut partir. ceux de l'armée active, les jeunes, font bonne figure. mais les autres!... Pour les consoler, nous leur représentons que mobilisation ne veut pas dire guerre, que l'Allemagne réfléchira sans doute en voyant les Français décidés à lui tenir tête; il y a de l'espoir encore, nous l'affirmons sans y croire; eux, dans leur désarroi, se rattachent à cette si faible branche.

 

(1) Les pressentiments du brave garçon devaient, hélas! se justifier. Il a été tué à l'ennemi le 6 octobre 1914 au bois Bouchot (Meuse).

 

Dimanche 2 août

  La mobilisation a pour effet de ramener les villageois au sentiment religieux: je l'ai constaté ce matin à l'église.

   On conçoit aisément que les populations de l'est et du nord-est de la France, victimes désignées pour l'invasion et qui en ont subi trois fois en un siècle les désastres, ne peuvent voir la guerre avec l'Allemagne du même oeil que les habitants des autres régions. Certes, si l'on considère que l'amour de la patrie est profond, et d'autant plus que leur pays court plus de risques; mais ce patriotisme, comme toute possession passionnée, est craintif, pessimiste, et c'est précisément lui qui, désolé devant l'échéance de tous les malheurs, ruine des foyers, sacrifice des maris et des fils - ceux-ci appartenant aux régiments de la frontière ne vont-ils pas être les premiers au feu? - en appelle au Tout-Puissant. Il faut croire que la prière réconforte, puisque les terriens ardennais cessent déjà de gémir et se livrent avec une ardeur décuplée aux travaux des champs. Ne leur faut-il pas, en outre, suppléer aux bras défaillants?

 

Lundi 3 août

   Le village, d'heure en heure, se vide des hommes au-dessous de quarante -huit ans. En même temps, l'atmosphère morale se modifie. Les haines s'apaisent et les ennemis se réconcilient. On ne médit plus de son voisin, on ne cherche plus à se nuire l'un l'autre, on se parle avec mansuétude. les feux de l'envie et de la vanité s'éteignent dans les regards, comme dans les âmes. Dans les familles des mobilisés, les adieux sont déchirants, ont le caractère de l'irrévocable; et les dispositions en ce sens sont prises. Emile est parti.

   Des troupes de l'armée active commencent à passer sur la route.

 

Jeudi 6 août

   Les journées de pluie, comme ils ne peuvent aller aux champs, les gamins et les vieillards se rendent aux gares stratégiques ou aux passages à niveau, afin de regarder le débarquement ou le passage des trains militaires. Venus de tous les points de la France, ces trains ont leurs wagons enguirlandés de fleurs et couverts d'inscriptions d'enthousiasme et de défi; les voyageurs, effervescents, interrompent leurs chants belliqueux et répondent aux acclamations des civils. Le spectacle de cette jeunesse si exubérante sous les uniformes de couleur violente réchauffe l'âme chagrine et terne des villageois. Ils s'accoutument à l'idée de la guerre.

   Mais, comme les marchands roulants apportant à jours fixes le pain, la viande, l'épicerie, etc..., ne viennent plus, qu'il n'y a dans Roche aucun négociant en ces denrées, on va au bourg faire des provisions que l'on met en réserve. On pratique des cachettes dans les murs, sous les pavages, où l'on ensevelit les objets précieux.   Le service de la poste, qui ne fonctionnait plus, reprend. Le facteur vient d'apporter au dépositaire du Petit Journal des exemplaires datant de deux ou trois jours. Nous y lisons, en même temps que les déclarations de guerre, la violation de la Belgique par l'Allemagne et les premières incursions des patrouilles ennemies sur notre territoire.

 

Vendredi 7 août

   Pour la prévision des événements, la guerre de 1870 devient le criterium. Je n'ai pas encore entendu un paysan ou une paysanne témoins de cette guerre dire: nous vaincrons, nous mintiendrons l'ennemi sur la frontière; travaillons sans crainte, nous jouirons de notre moisson. Ces pauvres gens, au fond d'eux-mêmes, sont tellement persuadés de l'invasion qu'ils disent au contraire: "Les Prussiens n'ont pas été très méchants à Roche en 1870: pourquoi le seraient-ils davantage cette année? En 1870, nous avions eu faim, froid, peur, c'est vrai; mais du moment que nous avions quelque chose à leur donner à manger, ils ne nous faisaient point de mal." Je leur objecte qu'il n'est pas sûr que les Ardennes soient cette fois envahies, que nos soldats combattent avec ardeur, que nous céderons pas de terrain, que la bataille se livrera en Belgique, que nous aurons la victoire. Ils me regardent avec étonnement, soupirent et s'éloignent en secouant la tête.

 

Samedi 8 août

    Les familles aisées de la région tenues par leur profession de demeurer, et qui peuvent disposer d'automobiles, ont envoyé leurs enfants vers des refuges, dans l'ouest ou le midi de la France. Toutes les personnes de notre connaissance, en villégiature ou qui ont des attaches à Paris, sont parties, laissant leurs propriétés à la garde de domestiques. De ce nombre est la propriétaire du château de Roche.

   Quant à nous, bien que nous y soyons sollicités par des amis, nous ne songeons pas à regagner la capitale. Mon mari est convaincu que si les Allemands arrivent, jusqu'ici, ils iront aussi assiéger Paris, où le danger, alors, serait pire; et puis nous aurions remords à quitter les simples au moment du danger, à nous éloigner de nos deux nièces, surtout de Nelly, si enfant et qui, nous partis, malgré la présence de son beau-père, se sentirait terriblement seule dans sa ferme attenante à notre maison.

   Mon mari, depuis le commencement de la mobilisation, a assumé de suppléer l'adjoint au maire, un vieillard de soixante-dix-neuf ans, à peu près sourd et très timoré. Il a tranché certaines difficultés, telles que l'attribution de secours aux familles indigentes privées de leur soutien, le ravitaillement des habitants et maintes autres opérations plus délicates, étant donné le caractère méfiant des paysans, par exemple: le dépôt à la mairie de toutes les armes en leur possession, opération qui n'avait pas eu de précédent en 1870.

 

 

Dimanche 9 août

   L'artillerie passe, se dirigeant vers le nord et le nord-est, vers Grandpré, vers le Chesne. Les artilleurs, cavaliers et servants, sont graves, silencieux; leurs officiers ont l'air réfléchi. Les batteries ne s'arrêtent pas à Roche. les villageois accourus les regardent passer. On leur offre des fleurs, des fruits et de menues friandises. On voudrait leur donner davantage. On sourit, en leur souhaitant bonne chance, et pourtant des larmes montent aux yeux, dont on retient avec peine le jaillissement... Nous avons appris que les soldats français ont franchi la frontière d'Alsace et qu'ils sont à Mulhouse. Le combat aurait été violent et meurtrier; mais les chants de victoire du Petit Journal n'en raffermissent pas moins les paysans.

 

Lundi 10 août

 

   Je suis allée à Attigny pour acheter des médicaments: les pharmaciens sont mobilisés, et leurs boutiques sont fermées. L'entrée de la ville est barricadée avec des charettes, et des factionnaires exigent le laisser-passer. Je n'ai trouvé non plus aucune provision de bouche; les magasins étaient vides et la plupart clos. Sur la place, devant l'hôtel de ville et près des restes du palais de Witikind, des chevaux, amenés des environs, stationnaient devant le bureau en plein air des réquisitions.

 

Mardi 11 août

   Les femmes des cultivateurs moissonnent et engrangent fiévreusement leur blé. Elles s'entraident.

   Les troupes continuent de passer. Dans les champs, sous le silence, les oreilles fines perçoivent le bruit du canon. S'agit-il d'exercices de tir au camp de Châlons, ou de la bataille de Lorraine, ou du bombardement des forts de liège par la grosse artillerie allemande?

 

Mercredi 12 août

  Il fait très chaud, des soldats arrivent, qui demandent à se rafraîchir.Nous donnons du vin sans compter. Des autobus passent, portant encore l'inscription de leur itinéraire parisien; comme les soldats, ils sont décorés de fleurs; ils s'arrêtent, et leurs conducteurs, fleuris aussi, se joignent aux camarades buvant dans les maisons. Pas un ne sait où en est la guerre.

 

Jeudi 13 août

   "Les Belges continuent à faire merveille... Les forts de Liège tiennent toujours... Nos troupes restent maîtresse de la Haute-Alsace... Les incursions ennemies dans les régions de Spincourt et de Manonvillers ont été repoussées... Le Kaiser comptait être le 11 à Paris; or, nos troupes débordent la frontière, nos deux ailes sont en Belgique et en Alsace, notre concentration a pu s'achever, et les Russes sont entrés en Prusse."  Voilà ce que les journaux reçus aujourd'hui offrent à nos méditations. Donc, ça va très bien. Pourtant Spincourt est en France. Faut-il croire que cette constatation n'a pas d'importance et que mensongère est la rumeur parvenue jusqu'à nous on ne sait comment, à savoir que les Allemands ont, depuis plusieurs jours et en masse, passé notre frontière, que Longwy est sur le point d'être pris, Lunéville en péril et Pont-à-Mousson détruit, que l'ennemi a franchi la Meuse en plusieurs endroits et que la Belgique est à moitié envahie? Des gens venus des régions où l'on se bat murmurent même qu'une armée ennemie approche de Dinant. Or Dinant est singulièrement plus rapproché que Liège de notre département. Qui croire? Nous ne voudrions pas être dupes ni des journaux ni d'alarmistes.

  Aujourd'hui le ciel est "gris de chaleur". Par la route d'Attigny arrive dans le village une colonne d'infanterie. Les soldats font halte; les armes sont mises en faisceaux, les sacs posés à terre. devant notre porte, les officiers parlementent. Un bataillon ira cantonner à Chuffilly, un autre restera à Roche. Mon mari accompagne le capitaine et le sergent-fourier chargés du cantonnement, leur donne des renseignements nécessaires. Durant ces préliminaires de l'installation, les hommes se répandent dans les maisons et demandent à remplir leurs bidons, en tendant des pièces de monnaie que nous refusons. Ce sont des Normands: ils voudraient du cidre, nous n'avons que du vin à leur donner. Un soldat vient me demander une chambre pour un officier malade. J'acquiesce avec empressement. Mais le capitaine revient avec mon mari et, après avoir jeté un coup d'oeil sur la disposition des appartements, s'attribue une chambre et en assigne une autre à un sous-lieutenant. les pièces choisies sont des pièces de façade, dont les fenêtre s"ouvent sur la place du village, au carrefour des routes de Vouziers, d'Attigny, de Rilly-aux-Oies et de Voncq, route que des postes garderont. La partie de la maison occupée par notre nièce et son beau-père, ainsi que les bâtiments d'exploitation agricole, reçoivent une section de mitrailleuseq.

   Réservistes du recrutement de Saint-Lô, ces troupiers sont pour la plupart gens aisés et pères de famille. Aussitôt casés, ils vont promener dans le village la nostalgie de leurs foyers, de leurs habitudes. Parmi les chefs, un seul fait partie de l'armée active: le capitaine logé chez nous. L'unique lieutenant porte un nom illustre. Le sous-lieutenant étudiant en théologie, nous parle de Péguy et de Claudel. le commandant, logé au château, est un colonial en retraite.

   Les habitants du haut du village viennent se plaindre d'avoir trop de soldats à loger, alors que les habitants de la partie ouest n'en ont point. Le capitaine à qui cette plainte est adressée, fait d'abord la sourde oreille; puis, comme les villageois insistent et font transmettre leur réclamation par mon mari, il déclare, sans davantage s'expliquer, que cette répartition est ainsi faite parce qu'il lui faut avoir tous les hommes sous la main et à l'oeil.

 

Vendredi 14 août

    Dès l'aube, je vois des militaires faisant leurs ablutions au ruisseau de la route. parmi eux, je reconnais le fourrier d'hier et devine qu'il est prêtre. Je fais part à Pierre de la remarque; il s'enquiert auprès du sous-lieutenant. Je ne me suis pas trompée: le fourrier est bien un curé et il y a un autre prêtre ordonné dans le bataillon.

   Le silence continue à régner parmi l'agitation des occupants du village. Ignorent-ils vraiment où ils vont, quand ils s'en iront et pourquoi leur halte se prolonge? Les officiers disent attendre des ordres et se tiennent prêts à partir. Fraternels, paternels, leur parlant comme à des égaux, ils veillent à l'équipement des hommes, les encouragent, les aident de conseils et de deniers, s'il y a lieu. Pas un cri, pas un chant, pas une sonnerie de clairon. Les instructions et les ordres sont donnés sans éclats de voix.

   Voici que dans le clair matin, les mitrailleurs portant sur l'épaule leurs mitrailleuses, s'en vont, face au soleil, par les chemins de Remilly et de Voncq, s'exercer dans les champs. Sans doute la manoeuvre n'est qu'un simulacre; elle ne nous évoque pas moins des massacres, et l'idée nous vient de demander aux prêtres-soldats de célébrer à Roche, en plein air, la messe de l'Assomption. Le commandant, à qui nous en parlons, adopte avec empressement cette idée.

   Sur ces entrefaites, ma nièce Emilie arrive de Mont-de-Jeux, village distant de quatre kilomètres, où elle demeure. Elle a parcouru la route à pied, en poussant devant elle une voiture d'enfant, dans laquelle se dodeline un bébé de quelques mois. Je la retiens à déjeuner.

   Vers deux heures, tandis que sous la suffocante chaleur Pierre est allé à Sainte-Vaubourg chercher au presbytère les objets nécessaires à la célébration de la messe de demain, des voisines font irruption dans la maison. "Madame Emilie n'est-elle point chez vous? interrogent-elles. La voilà dans de beaux draps: les uhlans sont à Saint-Lambert!" (Saint-Lambert est situé à moins d'une demi-lieue de MOnt-de-Jeux avec leqsuel il forme commune.) Je cours m'informer auprès des officiers. Ceux-ci me rassurent. Est-ce l'effet de mon inquiétude? il me semble que les calmes assurances de ces messieurs voilent de la crainte. J'expose la situation de ma nièce, séparée de ses deux enfants et voyageant à pied avec le troisième. "Cette dame, admet alors le commandant, fera bien de s'en retourner chez elle sans retard. Pour vous rassurer tout à fait, je vais lui donner une escorte, munie du mot de passe, qui l'accompagnera jusqu'au poste de la Croix de Wallart, point où finit mon action personnelle et où on relayera." (Le calvaire de Wallart s'érige à mi-chemin de Rilly-aux-Oies, à l'intersection de la voie romaine qui, de Reims, s'allonge jusqu'à Trèves.)

   Dès que mon mari est de retour de Sainte-Vaubourg, apportant les objets rituels, l'emplacement de l'autel est choisi par les officiers. Les deux prêtres-soldats, auxquels viennent s'adjoindre des infirmiers semblant être aussi des ecclésiastiques, commencent de construire le reposoir dans la cour du château. J'apporte des draps fins, des serviettes, des flambeaux, des burettes; et, comme les soldats hésitent à fixer avec des clous d'aussi belle toile, je leur enjoins en riant de dépecer s'il est nécessaire. Je voudrais pouvoir réunir là, afin qu'ils soient demain sacrés à jamais, tous les objets chers que je possède. j'ai détaché notre grand crucifix de bois sculpté; il surmontera le tabernacle improvisé. Une forte jeune fille aux yeux et au coeur mystiques, pour laquelle j'ai beaucoup d'affection, est venue, sa dure journée de moisson terminée, composer avec moi des bouquets. les préparatifs sont terminés. La nuit est tombée. Maintenant c'est, n'importe où, dans les champs, les jardins, les granges, la confession des soldats aux prêtre-guerriers, sous un ciel plein d'étoiles.

   En rentrant à la maison, je trouve les officiers devisant avec mon mari. Ils paraissent tranquilles. Pourtant sous les propos de littérature du lieutenant, je crois découvrir des préoccupations plus graves et plus immédiates. Le capitaine a la parole claire; mais ses yeux, levés au-dessus des interlocuteurs, errent dans le noir de l'embrasure de la fenêtre ouverte, son oreille est tendue aux bruits du dehors, une ride barre son front.

   Vers minuit, de grands coups sont frappés à la porte d'entrée. Le cuisinier et les ordonnances, couchés au rez-de-chaussée, dans la cuisine, ne s'éveillent point. J'entr'ouvre les contrevents de ma chambre, située au premier étage, et demande qui est là. c'est un cycliste apportant une communication au capitaine. Je descends; j'introduis l'homme auprès de l'officier; et , pendant que celui-ci, assis sur son lit, ouvre le pli, pour l'aider à lire, j'élève très haut le flambeau qui tremble dans ma main. Après avoir lu, le capitaine dit simplement: "Ca va bien, nous aurons la messe demain matin." Puis: "Rompez!" fait-il au messager. Je regagne ma chambre.

 

Samedi 15 août

 

 

Retrouver la suite sur le blog que je consacre à Isabelle Rimbaud

 



22/02/2013
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